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« Celui qui croit les lieux vides, là où nulle âme ne semble vivre, lui seul est vide de bon sens »

( Extrait de la chanson Lexla) Si Moh

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Invité par la Fondation Tiregwa, Si Moh a assuré un spectacle de haute facture à la salle Le Château de Montréal. Sa présence humble et talentueuse a crevé la scène et a subjugué, par la même occasion, un public qui lui voue une admiration sans faille depuis le début de sa carrière dans les années 80. Ses 28 ans de carrière ont donné vie à 12 albums merveilleux  sur tous les plans, texte, mélodie et voix. Le programme de la soirée a donc commencé par la présentation du bilan de la Fondation et par  la prestation de la chorale de l’ACAOH.

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 Tiregwa : transparence et perspectives

M. Rachid Bengnane a rappelé l’objectif ultime de la Fondation à savoir la promotion de Tamazight sous tous ses angles et dans le territoire de Tamazgha. Vient ensuite, le tour de M. Fouzi Ait Ahmed de brosser un tableau exhaustif des activités réalisées comme les conférences, les galas et les hommages rendus à plusieurs personnalités amazighes. Il a également annoncé le prix Belaid Nait Ali et les bourses que la Fondation compte octroyer aux étudiants méritants des universités amazighes d’Algérie notamment. Quant à l’argent amassé (plus de 9000$, grâce aux événements-bénéfice, M. Ahmed a énuméré les destinataires de cette aide, même si, selon lui, cette contribution demeure insuffisante pour l’instant. C’est pour cette raison, un appel est lancé à la communauté de mettre la main à la poche pour encourager les personnes qui produisent en Tamazight. Les responsables de la Fondation n’ont pas omis d’annoncer les événements à venir des autres associations dont la pièce de théâtre de Hace Mess ‘’ Si le printemps revenait’’ prévue pour le 22 mars 2014 au théâtre le Gesù. Invité sur scène, Hace Mess dira aux siens : «  Il faut venir voir l’art. Ne venez pas parce que c’est kabyle ». Le bilan des organisateurs a été suivi par une magnifique prestation de la chorale de l’ACAOH qui a repris entre autre la chanson de Chérif Kheddam dans laquelle le Maestro déconseille à son enfant de renier ses racines.

 Enfin Si Mo et sa longue marche du bon sens!

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 Il entre sur scène et le public était aux anges. Il y avait trop de lumière dans la salle et énormément d’émotion dans les cœurs. C’était une occasion pour tout le monde de voir l’artiste et pour les photographes de cristalliser ces moments magiques avec l’un des monuments de la chanson kabyle. L’artiste, par contre, était incommodé par ces lumières, mais bigrement ému par l’accueil de ses fans. Ceci étant dit, il a fini par le dire : «  J’aime chanter dans le noir. » Et le technicien Samuel a cédé aux caprices du maître. Donc, Si Moh, toujours avec la même allure d’il y a 28 ans, entame généreusement son répertoire parfois, calme et doux, parfois, rythmé et subtilement piquant. Ses œuvres, rendues méticuleusement, traitaient de l’amour impossible, de l’amour sublime, mais douloureux, de la quête de la paix intérieure et extérieure, des valeurs humaines qui se cherchent un équilibre. Un équilibre qu’on ne trouve qu’une fois endormi, dans les rêves et encore! L’artiste enclenche même une sorte de dialogue intérieur entre le corps et l’âme en jouant avec des figures de styles tout simplement ravageuses : «  Ô l’âme, quitte-moi et va survoler les cieux. La patience a atteint ses limites. J’ai besoin de rêver pour oublier ma peine » Aussi, face à l’adversité, la sagesse règne en déesse absolue dans les messages de Si Moh : «  Je ne dis rien. Il vaut mieux se taire pour ne pas proférer des bêtises. J’encaisse en silence. Je rêve de la paix et je le lui dirai un jour ». Cet artiste rêveur, mais magistralement éveillé, a un œil sociologique pertinent et profond comme c’est le cas dans sa pièce Ddeb (La bête noire): «  Les ciseaux ont beau découper, l’aiguille est là pour recoudre, le feu a beau être puisant, l’eau finit toujours par l’éteindre, l’injustice a beau sévir, la justice finit par triompher. » Pour lui, l’école c’est tout simplement la vie. Les gens peuvent se construire, certes dans une école officielle, mais également et surtout dans la rue, au sein de la société, dans l’espace public. Il a représenté son constat comme une longue marche de la vie en s’adressant à un jeune garçon plein d’innocence : « ay-aqcic (mon garçon), l’amour vers lequel tu chemines est  trop grand pour ton petit cœur. En amour, à chacun sa moisson, moi,  mon lot est un tas de chagrins…amusants. »

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Finalement, l’amour est aussi immense que la vie avec ses hauts et ses bas. Faut-il tuer son cœur pour apaiser sa douleur? Telle est la grande question.Aussi, dans la vie, le mal et le bien ne se quittent jamais, mais la persévérance des bons, des idéalistes finit tôt ou tard par ramener une lueur de paix aux humains, une façon de garder l’espoir pour des jours meilleurs. Et chacun garde jalousement sa couverture soyeuse, aussi courte soit-elle, pour protéger son héritage des intrus ou de leurs serviteurs. Qui a dit qu’il n’y avait personne dans ces contrées tant adulées? À méditer!

Les échos du spectacle

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Lounès Djermoune avec son idole

Il est de ces rêves qui bercent l’âme depuis la tendre adolescence. Les gens tombent sous le charme d’une personne modèle, d’une situation donnée et toute leur vie prend un autre tournant, un tournant jamais prévu auparavant. Beaucoup de personnes qui étaient venues voir Si Moh en ce samedi 9 novembre à la salle le Château en témoignent. «  J’avais à peine 15 ans quand j’ai découvert Si Moh et à travers lui, l’univers de l’amour et de la philosophie. Depuis, j’ai suivi sa carrière et j’attendais tout le temps un autre album de sa part. », dira Lounès Djermoune qui compte faire une étude universitaire approfondie sur l’œuvre de son idole. Ce jeune Kabyle connaît par cœur toutes les chansons de l’artiste et pourtant, c’est la première fois qu’il le voit sur scène et qu’il lui parle de vive voix de son admiration et de ses projets. Rachid Begnane, l’un des organisateurs de l’évènement, abonde dans le même sens : « C’est depuis l’âge de 20 ans que je suis cet artiste. Grâce à cet événement, j’ai passé trois jours à discuter avec lui et j’ai découvert un homme très instruit et ouvert. Il lit beaucoup et les grands philosophes de l’humanité lui sont très familiers. Il a donné à la chanson kabyle ce que Mohia a apporté pour notre théâtre. » M. Omar Arhab, réalisateur : « J’ai reçu un lot de merveilleux moments de bonheur. Un bonheur comblé par près de deux heures de marche à BAVARDER avec Si Moh. Juste deux. Magnifique. Magique. Rien à DIRE. » Et Ghania Challam, enseignante de maths, de se confesser, les yeux inondés de larmes : «  J’ai vu beaucoup de spectacles de plusieurs cultures, mais ce soir, c’est différent. Ses chansons ont réussi à toucher mon âme. Je pleure parce que je me sens vivante dans cette ambiance. Ça, c’est nous, mon milieu naturel. »

Djamila Addar